Pourquoi « gérer » nos émotions est une aberration ? 1/2

Pourquoi croit-on qu’il « faut » « gérer » nos émotions ? Pourquoi imagine-t-on que nous ne devons pas les montrer ? Pourquoi sont-elles encore si souvent assimilées à de la faiblesse ?

Et surtout, comment les vivre le mieux possible ?

C’est ce que je me propose d’explorer avec vous : d’abord comprendre ce qui a pu amener ces idées si éloignées de notre vraie nature à notre esprit puis, surtout, comment on peut, beaucoup plus facilement et naturellement qu’on ne le croit, cohabiter en bonne intelligence avec elles !

Arrête de pleurer, t’es un homme oui ou merde ?Arrête de faire la tête, tu es vilaine.
T’es moche quand tu pleures.
Tu vas pas en faire tout un foin non plus, hein !
C’est rien, c’est dans ta tête.
Ca vaaa, y a pire dans la vie…
Sois fort.
Ressaisis-toi !
Roooh tu te fais des films.
Tu nous saoules avec tes histoires, tu t’écoutes trop…

Les injonctions anti-émotions sont légions…

De tout temps, on a tenté de raboter les aspérités, les tumultes, les emportements, on a voulu calfeutrer les tristesses, claquemurer les colères, nier ou broyer les peurs et terreurs.
Enfant, on nous apprend, souvent brutalement, à ne pas les écouter, à faire comme si de rien n’était, et plus que tout à ne pas les laisser déborder. Parce que « ça ne se fait pas »… Au point qu’une fois grands, on a bien intégré que les émotions, c’est mal, surtout si c’est mâle, et qu’« il faut » les « gérer », les « maitriser », les « contrôler ».

On en arrive à croire dur comme fer qu’elles sont flasques faiblesses, failles fâcheuses ou folies forcenées.

À bien y regarder, pourquoi ? Pourquoi a-t-on donc tant empêché l’expression de qui nous sommes au plus profond ? Pourquoi a-t-on imposé ces horreurs là à quasi toute l’humanité depuis l’apparition de notre « civilisation » ?

Probablement simplement parce que c’est comme ça qu’on a pu faire perdurer aussi longtemps un modèle de société basée sur la domination et la soumission.

Pour dominer

Tous les petits garçons du monde se sont entendus dire qu' »il faut » être puissant, protecteur, courageux, être un bon petit soldat, ne pas plier, ne pas faiblir, ne pas avoir peur, serrer les dents, ne pas montrer ses émotions, ne pas pleurer, en fait, de préférence, ne même pas les ressentir, faute de quoi ils ne seraient pas de « vrais hommes ».
Pour dominer, peurs et tristesses sont à proscrire puisqu’elles poussent à la passivité et l’inaction,

Si on avait laissé les hommes écouter leurs peurs, comment auraient-ils accepté d’aller la fleur au fusil sur les abominables champs de bataille pour s’y faire vaillamment mais néanmoins fort violemment éviscérer ?
Si on avait laissé les hommes écouter leur compassion, donc leur tristesse, comment auraient-ils accepté de faire usage de leurs armes pour exterminer un ennemi supposé, frère humain en réalité ?  (Ce, pour défendre les intérêts de qui ? …)

C’est donc pour ça qu’on a endoctriné des milliers de générations masculines à coup de « il faut que tu sois fort, mon fils », « Un homme ça n’a pas peur, mon garçon », « T’es quand même pas une mauviette / tapette / femmelette »

Être un membre honorable du sexe supposé fort implique de garder tête haute, regard fier, épaules dégagées et muscles engagés.
Sinon, pas de valeur, puisque pas de virilité, la « vraie », la rude, la tatouée.

Un homme, un vrai, domine sa tristesse, dissimule ses faiblesses, vainc sa peur.
Un homme, un vrai, contrôle ses émotions, les met sous cloche, s’interdit même de les éprouver parce que ce ne sont que molles manies de midinettes effarouchées.

Sois fort et tais-toi.

Pour soumettre

Toutes les petites filles du monde se sont entendues dire qu' »il faut » être belle, réservée, pudique, silencieuse, soumise, gentille, acquiescer à ce que l’homme dit, ne pas trop penser, ne pas se rebeller, ne pas montrer trop d’ambition, ne pas prétendre à des postes trop élevés, ne pas trop manifester de colère ou de désaccord, ne pas trop prendre de décision, ne pas dire non, ne pas être trop sexy, mais ne pas s’habiller avec un sac non plus, faire ce qu’on leur dit de faire, faute de quoi, elles ne seraient pas de « vraies femmes »

Pour soumettre, condamner la colère est capital, puisque c’est une émotion génératrice d’énergie et d’envie d’action qui s’active parfois sauvagement quand nos valeurs sont heurtées.

Si on avait laissé les femmes écouter leur colère, comment auraient-elles accepté de se laisser soumettre à la volonté de qui elles étaient censées dépendre, leur père d’abord, tout puissant chef de famille dont l’autorité ne saurait être contestée, puis leur mari, la plupart du temps pas choisi ?
Être un membre désirable du sexe soi-disant faible implique de garder tête baissée, taille fine et œil de biche, certainement pas de lynx.
Si elles cèdent à la colère, elles sont cataloguées hystériques, harpies, mégères et n’ont donc pas de valeur, aucun homme ne voudra d’elles…, puisque pas de féminité, la « vraie », la douce, l’effacée.

Une femme, une vraie, ne se laisse pas emporter par une ire virile, ne revendique pas, ne hausse pas la voix. Une femme, une vraie, modère ses émotions, les emmitoufle de rose et de rondeurs, s’interdit de les exprimer au grand jour parce que ce serait donner bien piètre image d’elle-même et que l’image, il n’y a que ça qui compte pour une femme, n’est-ce pas ?

Sois belle et tais-toi.

Donc pour ne pas se rebeller…

Chez les hommes comme chez les femmes, la programmation anti-émotion est en fait une programmation anti-rébellion…

Alors, gérer, vraiment ?

On en arrive donc aujourd’hui à croire encore qu’« il faut » les « gérer », les « maitriser », les « contrôler ».
Que la poker face est un bouclier de sécurité dont il est prudent de se cuirasser.
Que dans ce monde de brutes, il vaut mieux ne rien montrer, parce que ce serait une honteuse et dangereuse fragilité qui risquerait fort d’être utilisée à nos dépends…
Qu’il faut donc se battre contre une partie de soi ! Quelle aberration !

Regardez donc en entreprise, on prétend que ça ne se fait pas d’y montrer ses émotions. Mais qui y arrive vraiment sans nuire à sa propre santé ? Leurre absolu…
C’est d’ailleurs bien de l’entreprise qu’est issu ce vocabulaire de contrôler-gérer-maitriser
Mais, comment « gérer » quelque chose d’irrationnel ? Ça n’a pas de sens.

En entreprise comme ailleurs, on nous a longtemps fait croire que la seule intelligence qui vaille était intelligence intellectuelle, la seule et unique, celle qu’on a mis sur un piédestal depuis le « je pense donc je suis » de Descartes avec la bien cruelle et partielle échelle du QI (quotient intellectuel)

Heureusement, l’intelligence émotionnelle a été formalisée par Mayer et Salovey dans les années 90 comme la capacité à reconnaître, comprendre et à réguler nos émotions et à décoder les émotions des autres, Elle est mesurée par le QE (quotient émotionnel)
Il est désormais admis que nous réussissons mieux notre vie avec un QE élevé qu’un QI (Gnék, gnék, j’ai envie de dire 😉)
Il est d’ailleurs piquant de constater à quel point ceux qui ont un QI surdéveloppé ont, en général, un QE bien piteux. Cf tous les génies. De Mozart à Turing en passant Picasso ou Einstein, on ne peut pas dire que leurs relations à leurs émotions et aux autres aient brillé par leur empathie, leur sens de l’entraide, leur capacité à exprimer.

Nos émotions ? Une des beautés de l’humanité !

Nos émotions sont le reflet de notre humanité.
Elles sont même une des beautés de l’Humanité, puisque ce sont elles qui font la différence entre un bel être humain et un bel… enfoiré.
Un être suréquipé en « sang-froid » pourra accomplir sans ciller les pires ignominies. Un autre qui n’aura pas apaisé les souffrances qu’il a subies a de gros risques d’en faire subir à son tour. Un autre encore sous le joug d’une tristesse pas consolée n’aura pas accès à de grandes réserves d’empathie.

Une fois que nous avons (re)pris conscience de ça, comment considérer encore nos émotions comme nos ennemies ?
Parce que peut-on vraiment être un être humain complet sans elles ?
Est-il vraiment intelligent de faire penser pouvoir faire abstraction de cette partie de nous alors qu’on ne peut nous la retirer sans nous lobotomiser au propre ou au figuré ?
Est-ce vraiment une bonne idée de les juguler ?

Parce qu’à bien y regarder, si nous savions tous et toutes bien vivre avec elles, qu’est-ce que le monde irait mieux !…
Imaginez, si chacune et chacun, quels que soit son milieu social, son activité professionnelle, son orientation sexuelle, son âge et son genre savait les écouter, les reconnaître, les accepter, les respecter, les apaiser ?
Imaginez, si on décidait que c’était un des critères pour être quelqu’un de valeur (plutôt que de continuer à servilement croire que c’est l’argent) ?
Imaginez, si on savait en réalité quoi en faire et comment cohabiter avec elles en bonne intelligence ?

A écouter si on ne veut pas cher payer…

Si comme on nous l’a trop souvent enseigné…, nous refusons de les écouter, si nous faisons comme si de rien n’était, si nous voulons les contrôler, elles feront exactement ce que fait un enfant qui a l’impression qu’on ne l’entend pas : elles crieront plus fort, amplifieront le signal, jusqu’à être enfin écoutées.
C’est comme ça que nous arrivons à nous créer des maux si nous n’arrivons pas à mettre des mots sur ce qui nous touche, nous affecte, nous blesse et si nous n’agissons pas pour apaiser ça.

La symbolique du corps est édifiante pour qui accepte de l’envisager au lieu de balayer d’un revers de main méprisant l’éventualité qu’il puisse y avoir un lien entre toutes les parties de nous, en l’occurrence, notre esprit et notre corps.
A bien y réfléchir, le simple fait de le nier, donc de scinder ces 2 composantes indissociables de notre être est absurde. Si notre esprit et notre corps n’étaient pas fabuleusement connectés, comment expliquer les douleurs inexpliquées ? les maladies inopinées ? les guérisons inespérées ?
Le dédaigneux « c’est dans la tête » de certains médecins sous-entendant que c’est moins important que si ça venait d’ailleurs est ravageur. En quoi le fait que ce soit notre brillantissime cerveau qui crée ce signal rendrait le résultat moins honorable qu’un virus ou un accident ?
Et si c’était simplement parce que le rationnel doit un peu céder du terrain ? Ou encore parce que du coup, les remèdes conventionnels s’en trouvent impuissants ?

Somatiser = incarner, autrement dit matérialiser dans notre chair une émotion. « J’en ai plein le dos » et hop, lombalgie, « tout ça me gonfle », aérophagie, « ça me prend la tête » migraine, trop de colère, ulcère, trop de tristesse, dépression, et j’en passe.

C’est une bonne idée de réagir avec bienveillance et pertinence avant d’en arriver là, n’est-ce pas ?
Parce que tout ça nous montre bien que quoiqu’on ait pu nous faire croire pendant des générations, nous ne pouvons pas plus en faire abstraction que les contrôler-gérer-maitriser.

Nos émotions sont nos alliées !

Nos émotions n’arrivent jamais pour rien. JAMAIS.
Elles viennent toujours nous dire quelque chose de nous. TOUJOURS.
Même quand on se qualifie d’hypersensible donc avec des émotions XXL

Elles sont les messagers de notre inconscient,
Elles sont nos vaillants lanceurs d’alerte intérieurs.

La peur nous alerte d’un danger. La colère nous alerte d’une valeur heurtée ou d’un besoin pas satisfait. La tristesse nous alerte d’un manque ou d’une perte.
La joie nous prévient d’une satisfaction, d’un plaisir.

Dans tous les cas, elles viennent nous dire : écoute-toi et bouge-toi !

La peur nous indique que nous avons à nous protéger.
La colère, que nous avons à être alignés avec nos valeurs et nos besoins, donc que nous avons à agir pour les honorer ou les remplir, ou pour prendre de la distance, en relativisant sur ce qui est vraiment important.
La tristesse, que nous avons à prendre le temps de faire notre deuil, à travailler l’acceptation.
La joie, que nous avons à la faire durer, propager, partager, parce que quelle plus belle énergie que celle-ci ?

Même celles trop souvent qualifiées de négatives nous sont essentielles. Certes, elles sont moins agréables, mais elles sont inhérentes à notre qualité d’humain et nous aident à avancer. Et ce n’est assurément pas en les combattant, gérant-contrôlant-maitrisant que nous y arriverons.

D’autant, encore une fois, que gérer ou contrôler quelque chose qui est de notre essence et qui nous est d’une si grande utilité est d’une confondante stupidité ! (Voilà, c’est dit !)

Alors comment ?
Le SEUL moyen est de les comprendre pour les accepter, les atténuer, les apaiser.
Puis de faire évoluer quelque chose en vous, pour faire évoluer votre émotion. La clé n’est pas la gestion mais l’évolution. N’est-ce pas beaucoup plus enthousiasmant !

A vous de voir ce qui vous correspond le mieux dans ce que je vais vous proposer de faire évoluer : votre interprétation, votre corps, votre respiration ou votre représentation.

Et, même si l’efficacité de tout ça est démultipliée avec l’hypnose, vous pouvez opérer toutes les évolutions que je vous présente dans une 2° partie par vous-même.

Mais vous pouvez, bien sûr, préférer être accompagné pour. Si c’est le cas, je serais heureuse d’être à vos côtés, et c’est par là 🤗

To be continued soon !

Nico Toublanc
Hypnose et coaching Lyon